3 days ago
La lutte romande investit les villes pour séduire les jeunes
La Fête romande de lutte suisse a lieu ce dimanche à Neuchâtel. Samedi, la relève était en lice aux Jeunes-Rives dans un cadre inédit. Publié aujourd'hui à 09h54
La Fête romande de lutte suisse a lieu ce dimanche aux Jeunes-Rives, à Neuchâtel, au bord du lac. Samedi, les jeunes jusqu'à 15 ans étaient en action.
Jean-Guy Python
En bref:
Une compétition de lutte suisse dans les catégories jeunesse, c'est aussi beaucoup de parents au bord du rond de sciure prêts à consoler un enfant défait ou à féliciter un vainqueur. Samedi, aux Jeunes-Rives de Neuchâtel, au bord du lac, la relève romande s'est retrouvée pour une grande fête sportive, populaire et solaire – au sens propre comme au sens figuré.
Quelque 80 enfants jusqu'à l'âge de 15 ans – pour une écrasante majorité des garçons – ont enchaîné les passes et les prises à la culotte sous un soleil de plomb. Une jeunesse passionnée et prometteuse, réunie dans un cadre inédit: la ville, et non les habituelles campagnes, pour accueillir un événement aussi ancré dans la tradition.
Un pari réussi pour les organisateurs. «Vous voyez, la lutte romande se porte bien au niveau de la relève», glisse Edouard Stähli, vice-président du comité d'organisation de la Fête romande à Neuchâtel. «Il y a certes un passage compliqué pour les jeunes vers l'âge de 14 ou 15 ans, avec le début des études ou de l'apprentissage, mais aussi en raison des distractions habituelles auxquelles les ados sont confrontés à cet âge», précise Edouard Stähli, également président et entraîneur du Club des lutteurs du vignoble, dans le Val-de-Ruz. La lutte suisse dans un décor inédit
Le décor neuchâtelois, bucolique et citadin à la fois, a permis de mettre en lumière une discipline qui cherche à élargir sa base romande, encore timide face à la puissance alémanique. Dimanche, la Fête romande de lutte suisse a lieu au même endroit avec les «actifs»: 120 lutteurs sont attendus, dont Joel Wicki, roi de la Fête fédérale 2022 à Pratteln, grande star de la discipline et favori de la journée.
Le respect et le fair-play sont au coeur de la lutte suisse. Des valeurs que les enfants romands apprécient.
Photo Jean-Guy Pyth
Mais samedi, c'est la jeunesse qui était sur le devant de la scène. À voir l'effervescence bon enfant autour des cinq ronds de sciure, la passion est bien réelle. Quentin, 15 ans, est l'un des jeunes espoirs du club neuchâtelois du Vignoble. Il pratique la lutte depuis «quatre ou cinq ans». Pourquoi a-t-il commencé? «Parce que j'ai assisté à quelques fêtes régionales, et cela m'a tout de suite beaucoup plu. Je cherchais une activité, je suis donc allé essayer. C'est le premier et le seul sport que je pratique. Il y a une bonne ambiance, du respect et beaucoup de fair-play.»
Aujourd'hui, il s'entraîne une à deux fois par semaine, selon les saisons. À cet âge, c'est plus ou moins la norme en Suisse romande. «Bientôt, je vais commencer un apprentissage, il faudra voir comment je pourrai gérer le tout», anticipe l'adolescent.
Le témoignage de Quentin reflète un engagement sincère et authentique, mais aussi les défis d'un âge charnière où les priorités changent. Et s'il y a bien un mot qui revient dans la bouche des encadrants, c'est celui de «base»: l'importance de l'agrandir, d'attirer plus de jeunes, de susciter des vocations durables.
David, 13 ans, est un bon exemple de transmission familiale. Ce jeune lutteur fribourgeois, issu du milieu agricole, a grandi dans un environnement où ce sport est une évidence. «À peu près tout le monde a pratiqué la lutte dans notre famille. Moi aussi, j'ai tout de suite aimé cela.» Ethan, un Vaudois de 15 ans, est pour sa part arrivé à la lutte suisse par le bouche-à-oreille. «Je suis allé faire un entraînement d'essai dans le club où s'entraînait un copain et j'ai tout de suite trouvé du plaisir dans ce sport. L'ambiance est bonne et il y a toujours beaucoup de fair-play.» La jeunesse apprécie la tradition de la lutte suisse
«En Suisse alémanique, les champions de lutte sont des stars», rappelle Christian Kolly, chef technique de l'Association romande de lutte suisse. «Mais côté romand, la popularité n'est pas aussi marquée. Nous avons quelques têtes d'affiche, notamment dans le canton de Fribourg, là où se trouvent la plupart des meilleurs lutteurs. Les autres cantons romands se débrouillent bien, mais il reste tout de même un déficit à combler. Pour sortir à notre tour des champions et des lutteurs de haut niveau, nous devons absolument agrandir la base.»
La relève romande s'est mise en évidence samedi aux Jeunes-Rives à Neuchâtel. Dimanche, les actifs prendront le relais pour la Fête romande de lutte suisse.
Photo Jean-Guy Python
Ce constat résonne avec les racines rurales de la discipline. Christian Kolly rappelle qu'«historiquement, on luttait de père en fils dans les campagnes du pays. Aujourd'hui, l'offre sportive est immense: la lutte suisse n'est d'ailleurs pas le seul sport à galérer pour avoir de la relève. Nous constatons toutefois une chose, c'est que les jeunes qui commencent ce sport s'identifient très vite aux valeurs de la lutte suisse et ont tendance à rester fidèles à ce sport.»
Une fidélité qui s'explique sans doute par la singularité de cette discipline, où se mêlent tradition, exigence physique et camaraderie. «Il y a l'emballage avec l'aspect traditionnel très marqué et, au centre, il y a le sport, explique Christian Kolly. Et c'est cela que les jeunes aiment avant tout: affronter d'autres lutteurs dans le rond de sciure. Ils aiment bien ce côté folklorique, mais ce n'est pas pour autant qu'ils écoutent du yodel à la maison.» Fidèle à ses racines
Cette touche identitaire et culturelle séduit. Edouard Stähli confirme: «Alors qu'ils pourraient combattre en tenue de gymnastique blanche, presque tous choisissent de porter la tenue traditionnelle de berger avec la chemise edelweiss. C'est un signal fort, puisqu'on dénote un retour marqué vers la tradition.»
Un retour aux sources qui ne signifie pas un repli sur soi. Bien au contraire. La lutte romande cherche à sortir de ses vallées. Et c'est dans cette optique que la fête a été organisée en plein cœur de Neuchâtel. «Le fait d'amener cette Fête de lutte à la ville, au bord du lac, j'y pensais et je l'espérais depuis longtemps, explique Edouard Stähli. Et là, nous avons réussi à le concrétiser. Cela nous permet de faire connaître notre sport à un autre public.»
Preuve que le pari est réussi: samedi, autour des ronds de sciure, des curieux en bikini ou en short de bain fraîchement sortis du lac se mêlaient aux familles de lutteurs et à un public de connaisseurs en chemise edelweiss. Une scène improbable dans une prairie de l'Oberland bernois, mais qui résume bien l'ambition de la lutte romande: rester fidèle à ses racines tout en s'ouvrant au monde qui l'entoure.
Lire l'actu à Neuchâtel Newsletter
«La semaine neuchâteloise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Neuchâtel, chaque vendredi.
Autres newsletters Cyrill Pasche est journaliste à la rubrique sportive de 24 Heures, La Tribune de Genève et Le Matin Dimanche. Il couvre en particulier l'actualité du hockey sur glace suisse et international, l'athlétisme ainsi que les Jeux olympiques d'été et d'hiver. Plus d'infos @c9pasche
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.